Marine Le Pen aux Etats-Unis : ce que j’ai dit à l’UMP

Publié le par blogduconseiller

L’UMP m’a consulté samedi pour connaître mon analyse du voyage de Marine Le Pen aux Etats-Unis. Ce n’était sans doute pas le fait majeur de la semaine passée mais si les médias ont su en rendre compte dans les moindres détails, ils n’ont pas su interpréter les signes que ce voyage renvoyait dans l’opinion. Je leur proposai donc de passer de la question « ce voyage est-il réussi et est-il compris comme tel ? » à « quelle alchimie produit-il entre la candidate des protestataires de tout bord et la candidate introduite dans le système ? ».

J’ai formulé deux hypothèses, sans être pleinement capable de trancher.

1.       Ce voyage chez les grands dénature l’ambition protestataire de Marine Le Pen. En quête d’un crédit diplomatique dont elle ne dispose pas, elle tente de décrocher les trophées de quelques rencontres opportunes avec des décideurs et des opposants. C’est le schéma classique d’un candidat à l’élection présidentielle que les électeurs doivent assimiler très tôt à un grand ou un futur grand de ce monde. La politique étrangère appartient au domaine réservé du président de la République et il faut s’en attribuer la capacité pour être jugé apte à la fonction.

 

Si cette hypothèse est la bonne, alors il importe peu que cette visite officielle, en pleine semaine du G20 comme pour essayer de la contre-programmer, soit un cuisant échec. L’intention demeure dans l’opinion : Marine Le Pen a voulu se hisser au niveau d’un candidat républicain (même distancé dans la course à la primaire), elle s’est présentée devant les portes du FMI et a occupé une salle de réunion de l’ONU avec quelques représentants diplomatiques de second rang.

Ce voyage rompt ainsi avec la stratégie d’outsider anti-système du Front National. Si elle multipliait ces initiatives avant le 22 avril 2012, Marine Le Pen se construirait en force politique alternative et non en « parti politique anti-politique » tel que son père a voulu que son parti soit depuis qu’il l’a fondé.

 

Si c’est le cas, alors Marine Le Pen perdrait plus d’électeurs protestataires qu’elle ne gagnerait de suffrages auprès de ceux qui la jugeraient assez capable pour gouverner. Cette stratégie pourrait donc conduire à une dilution de son capital de protestation au profit d’autres candidatures.

On peut en effet difficilement critiquer le FMI « affameur de peuples » et l’ONU « officine mondialiste » et essayer ensuite d’en rencontrer les représentants… sauf à médiatiser le refus de ces derniers, ce qu’elle a fini par faire en fin de semaine dernière.

 

Poursuivons l’hypothèse : Marine Le Pen veut faire du Gianfranco Fini en accéléré. Passer du patron de parti post-fasciste (le Mouvement social italien transformé en Alliance nationale) en leader du centre-droit italien, alternative rassurante à la présidence de Silvio Berlusconi. Mais entre temps, Fini avait pactisé avec la parti majoritaire de la droite italienne, considérablement modéré son discours politique, avait fait un voyage remarqué au mémorial de Yad Vashem (Tel Aviv) et il était devenu président de la Chambre des députés après avoir été ministre des Affaires étrangère et vice-président du Gouvernement.

 

Mon opinion est donc que Marine Le Pen a grillé les étapes et qu’elle peut perdre le luxe de fédérer les 20% d’électeurs protestataires le 22 avril prochain. Elle aurait dû multiplier les initiatives avec des représentants européens des majorités ou des oppositions nationales, et puiser dans l’Europe les sources d’un discours international moins confus et politiquement cohérent.

 

2.      Dans une seconde hypothèse, Marine Le Pen réussit la synthèse et incarne une candidature crédible et réellement alternative dans l’opinion car elle aura puisé dans le système politique assez de connaissance et de relations pour le transformer. Y goûter, un peu mais pas trop, au bon moment, et Marine Le Pen peut figurer en tête des personnalités politiques dont les Français voudraient qu’elles gouvernent – et non qu’elles président – après 2012.

Dans ce cas, cette visite a été mal préparée et n’a pas rencontré tout l’écho qu’elle devait auprès de l’opinion. En voulant contre-programmer la semaine du G20, Marine Le Pen ne pouvait pas sérieusement espérer attirer vers elle la lumière. En allant au cœur des institutions d’une gouvernance mondiale qu’elle critique tant, elle ne pouvait pas espérer être reçue ni bien comprise de son électorat, à moins de « marcher sur Washington et New York ».

 

Mais cette visite est une pierre dans le jardin de l’électorat centriste ou indécis qu’aucun candidat ne parvient encore à capter.

 

3.      Les conséquences pour l’UMP sont grandes car Marine Le Pen entretient la confusion entre le profil dont elle essaie de se doter, son programme et la droite de l’UMP. Au jeu de la capacité à gouverner avec sérieux, elle peut disputer beaucoup d’électeurs aux candidats de la Droite populaire. Et faire ainsi tomber l’argument majeur de Nicolas Sarkozy face à Jean-Marie Le Pen auprès de ces électeurs en 2007 : « votez pour moi plutôt que pour lui, car moi, je serai élu et donc en capacité d’agir ». En infligeant des coups répétés à la ligne Maginot qui opposait clairement hier le RPR/UMP au Front National, la Droite populaire a permis à Marine Le Pen d’entrer dans son champ et de s’attribuer progressivement des qualités de co-gouvernante de la France.

 

Dès lors, une expérience de gouvernement où participerait le Front National n’apparaîtra plus perturbatrice aux yeux de beaucoup d’électeurs et le leadership idéologique et politique de l’UMP sera considérablement challengé. C’est moins la question de la présidentielle que celle des législatives de juin 2012 qui est posée.

 

J’ai conclu en suggérant à Nicolas Sarkozy de faire campagne en gouvernant, et de gouverner en faisant campagne. De se cantonner à son domaine réservé (la défense des intérêts supérieurs de la France), de ne laisser personne occuper cette position, et de déployer un discours au centre de la droite.

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